La Communauté Romande du Pays de Fribourg (CRPF) est bien vivante et reste un acteur incontournable du débat sur les langues dans notre canton. Elle a été très présente dans la campagne sur le projet de fusion du Grand Fribourg, qui était inacceptable dans son volet linguistique. Elle continue à faire valoir ses attentes à l’égard de la future loi sur les langues. Elle sera particulièrement attentive, durant la prochaine année, aux évolutions en cours dans la scolarité obligatoire et à l’Université. 

Entre le mois de septembre 2021 et celui d’août 2022, le Comité de la CRPF a tenu cinq séances. Cela lui a notamment permis de se constituer, à la suite du large renouvellement intervenu l’année dernière. 

Alexandre Papaux, seul rescapé de l’ancienne équipe, a accepté la charge de Vice-président. Sa grande expérience de Juge cantonal et d’avocat, ainsi que ses compétences pointues de docteur en droit, avec une thèse sur la langue de la justice civile et pénale, nous sont très précieuses. 

Bernard Aebischer s’est quant à lui mis à disposition comme trésorier de notre association. 

Je remercie vivement ces deux collègues d’avoir accepté ces rôles importants et indispensables. 

Aucun membre du Comité n’ayant la disponibilité ou/et l’envie d’assumer le secrétariat de la CRPF, nous nous sommes tournés vers une personne dotée des compétences professionnelles nécessaires : il s’agit de Mme Luana Taveau, qui est employée de commerce, et qui accomplit un très précieux travail administratif. 

Le Comité est complété par Erika Schnyder et Dominique de Buman, que l’on ne présente plus et dont l’apport à nos délibérations et projets est considérable. Enfin, Jean-Pierre Dorand, également élu par l’Assemblée générale l’année dernière, vient de renoncer à sa fonction, qui entrait trop souvent en collision avec d’autres activités. Il continuera à nous apporter sa contribution d’historien au coup par coup, et nous nous en réjouissons. 

Par ailleurs, notre Comité bénéficie régulièrement de l’appui, en qualité de consultant, de Jean-Marc Angéloz, journaliste et fin connaisseur du dossier des langues dans le canton. 

Parmi nos premières tâches figuraient la création d’un nouveau site Internet et d’une nouvelle identité visuelle, en particulier d’un logo, pour notre association. Nous avons confié un mandat à une agence, ethos digital à Fribourg. Entre les discussions au sein du Comité, les retards de l’agence et ceux du président, les travaux ont pris plus de temps que prévu… Mais ils sont maintenant bien avancés, et nous pourrons prochainement mettre en ligne notre site Internet. C’est bien sûr un outil de communication indispensable au XXIe siècle. Le site comprendra notamment un blog, qui permettra à toute personne intéressée par les thèmes que nous traitons d’exprimer son opinion. La formule du blog nous a paru préférable à l’ouverture de comptes sur divers réseau dits « sociaux ». 

Le Comité s’est aussi employé à développer ses relations avec les médias, en rencontrant plusieurs journalistes afin de les sensibiliser aux positions de la CRPF. Cela était particulièrement opportun dans le cadre du débat sur l’éventuelle fusion de communes du Grand Fribourg : par communiqué, par la résolution que l’Assemblée a votée le 31 août ou par des contributions de membres du Comité, nous avons assuré une présence dans diverses colonnes ou sur diverses ondes avant et après le vote consultatif du 26 septembre 2021 dans les neuf communes concernées. 

Si la CRPF s’est engagée dans cette campagne, ce n’est pas qu’elle fût fondamentalement opposée au projet de fusion du Grand Fribourg, mais parce que l’Assemblée constitutive s’est gravement égarée dans le volet linguistique du concept de fusion. Alors que les neuf communes engagées dans le processus de fusion sont officiellement francophones, l’Assemblée a opté, dans un premier temps, pour donner deux langues officielles à la future commune, le français et l’allemand. 

La CRPF et quelques autres voix se sont élevées contre cette violation du principe de territorialité des langues inscrit dans nos Constitutions cantonale et fédérale. Les responsables du projet de fusion sont revenus à une solution apparemment plus sage, puisqu’ils retenaient le français comme seule langue officielle… mais l’allemand sorti par la porte revenait par la fenêtre : le citoyen germanophone aurait le droit de communiquer en allemand avec l’autorité et l’administration communale, les délibérations des organes communaux se dérouleraient dans les deux langues, de très nombreux documents seraient traduits… En bref, on nous promettait un « bilinguisme pragmatique » poussé à l’extrême, tout en laissant entendre que l’on passerait dès que possible au bilinguisme officiel. 

Les citoyens concernés ont dit non à la poursuite du projet de fusion. Certes, cette nette opposition avait plusieurs motivations. Le dérapage linguistique du projet en était une. L’Assemblée constitutive reconnaît d’ailleurs s’être fourvoyée sur ce thème ; dans son Rapport de clôture, elle admet que sa proposition initiale n’avait pas fait l’objet de vérifications préalables quant à sa faisabilité, et qu’elle avait fait naître à la fois des craintes et de faux espoirs. 

Interpellé avant la parution de ce rapport de clôture par notre collègue Erika Schnyder, Députée, le Conseil d’Etat n’a pas voulu livrer sa propre analyse de l’échec du projet de fusion. Sur la question des langues, il s’est contenté de rappeler que la Direction des institutions, de l’agriculture et des forêts (DIAF) élaborait un avant-projet de loi, sur lequel une consultation aurait lieu avant le milieu de la présente législature (mi-2024). 

Il s’agit là d’un autre objet de grande importance sur lequel nous œuvrons. La Constitution du canton de Fribourg du 16 mai 2004 comprend plusieurs dispositions sur les langues, qui nécessitent à l’évidence une législation d’application. Le Gouvernement l’a dit lui-même à la fin 2004… avant de glisser le dossier dans un tiroir pour plus de quinze ans. 

Le Comité de la CRPF a salué le lancement des travaux d’élaboration d’une loi sur les langues. Il apprécie en particulier la volonté d’avancer du Directeur de la DIAF, Didier Castella, qui ne s’est pas réfugié derrière le caractère sensible du dossier pour le garder soigneusement fermé… 

L’année dernière, notre Comité a rencontré le Conseiller d’Etat Castella et deux de ses cadres, afin de leur faire part de nos attentes et de connaître leurs intentions. Au mois de novembre, nous avons écrit à la DIAF pour proposer une rencontre avec le responsable du projet, Christophe Maillard, Chef du Service des affaires institutionnelles, des naturalisations et de l’état civil (SAINEC). La DIAF ne souhaite pas intégrer de partenaires externes au processus à ce stade. Nous maintenons cependant des contacts informels qui nous permettront de faire connaître ce que nous jugeons indispensable dans la future loi. Il s’agit en particulier d’établir la liste des communes du canton selon leur langue officielle, de fixer les critères selon lesquels une commune peut avoir deux langues officielles, et de désigner l’autorité compétente pour décider du changement de statut linguistique d’une commune. 

Même si ce projet de loi est encore loin de la table du Grand Conseil, nous allons tout prochainement y sensibiliser les Député-e-s, comme à l’ensemble de nos préoccupations : nous avons en effet organisé une rencontre avec les élus du Parlement la semaine prochaine, mercredi 7 septembre. Il s’agit aussi de faire connaître la CRPF et ses buts. Et si cela pouvait déboucher sur quelques adhésions, nous en serions fort aise, puisque nous ne comptons parmi nos membres plus qu’une Députée, notre amie Erika Schnyder. 

Autre démarche plus anecdotique, mais néanmoins efficace : nous avons écrit au Conseil communal de la Ville de Fribourg pour savoir pourquoi il avait modifié la présentation des statistiques de la population par langue dans son Rapport de gestion 2020. Pour la langue de diffusion, on n’y trouvait plus que les chiffres globaux des personnes en établissement et en séjour, les chiffres par catégorie ayant disparu. Comme par hasard, la statistique « uniquement établissement » donnait une proportion légèrement inférieure au chiffre global pour la langue allemande. 

Le Conseil communal a mis un temps certain à répondre à notre courrier. Mais il a exaucé notre vœu en rétablissant la statistique détaillée dans son Rapport de gestion 2021, qui vient de paraître. L’on y constate que pour les habitants établis dans la commune, la part de l’allemand comme langue de diffusion est de 14,67%.

Nous suivons par ailleurs avec attention ce qui se passe dans les tribunaux en matière de langues officielles. C’est ainsi que nous avons accueilli avec satisfaction l’arrêt du Tribunal fédéral du 29 mars 2022 concernant la scolarisation de deux enfants de Villars-sur-Glâne. Les autorités scolaires avaient refusé que ces élèves soient admis à l’Ecole régionale de langue allemande (anc. Ecole Libre publique) à Fribourg, aucun de leurs deux parents n’étant germanophone. Le recours des parents a été rejeté par le Tribunal cantonal, puis par le Tribunal fédéral. C’est depuis longtemps, sauf erreur, le premier arrêt du TF qui fait primer le principe de territorialité face à celui de la liberté de la langue. 

Le domaine de l’instruction publique nous occupera sans doute beaucoup plus durant le prochain exercice : tant au niveau de l’école obligatoire, avec la multiplication des projets d’immersion dans la seconde langue, qu’au niveau de l’Université, où la qualité de francophone est de moins en moins un atout, il y a des causes à défendre. Dans cette perspective, le Comité espère que de nombreux enseignants adhéreront à la CRPF. Il garde toujours à l’esprit, plus largement, la nécessité de recruter de nouveaux membres. Nous sommes actuellement une bonne centaine, mais il y a toujours de la place pour celles et ceux qui aiment la langue française, qui souhaitent cultiver notre patrimoine et préserver la paix des langues grâce à une répartition territoriale stable dans le canton.