Exercice 2023-2024 – Rapport du Président
Au cours de l’exercice 2023-2024, notre Comité a tenu trois séances, dont deux essentiellement consacrées à l’audition de professeurs de l’Université, et organisé une rencontre avec des représentants de la Direction de la formation et des affaires culturelles (DFAC). J’y reviendrai dans quelques instants. Le Comité a retrouvé, à l’automne, sa Secrétaire titulaire, Luana Taveau, de retour d’un congé maternité durant lequel elle avait été remplacée par Lilian Daum.
Nous restons attentifs, pour ne pas dire préoccupés, par rapport à l’évolution de l’effectif de notre Association : les quelques démissions et décès enregistrés ces dernières années n’ayant pas été complètement compensés par des adhésions, nous sommes passés en-dessous de la barre symbolique des cent membres. Cela nous conduira, ces prochains mois, à accroître nos efforts de recrutement. Sachant que la CRPF représente les deux tiers de la population de ce canton, et qu’elle défend de manière civilisée des causes identitaires capitales, elle devrait attirer beaucoup plus d’adhérents !
Renforcer nos rangs nous permettra aussi d’avoir une meilleure assise financière. Nous étudions également la possibilité d’obtenir des subsides de divers organismes.
Durant l’année écoulée, les deux principaux dossiers qui nous ont occupés sont la place du français à l’Université et l’enseignement de la deuxième langue par immersion à l’école obligatoire.
– Place du français à l’Université :
Comme vous avez pu le voir dans la presse locale, l’Université de Fribourg a mis en place une task force pour attirer des étudiants germanophones. La nouvelle Rectrice, Katharina Fromm, l’avait déjà laissé entendre lors de son entrée en fonction l’année dernière. Il s’agit de réagir à la diminution de la part des étudiants de langue allemande par rapport à ceux de langue française. Si cette évolution est incontestable, il faut savoir qu’elle n’a pas encore amené les proportions linguistiques de l’Uni au niveau de celles de la population du canton. En d’autres termes, la part des germanophones parmi les étudiants reste supérieure à celle des germanophones dans la population du canton.
Il est donc aberrant de créer un groupe de travail pour attirer spécifiquement des étudiants alémaniques. D’autant que les causes de leur « défection » sont connues, et impossibles à contrer : perte de l’attractivité liée à l’identité catholique de l’Uni, création de l’Université de Lucerne (2000), ouverture du tunnel de base du Lötschberg (2007)… Mais l’enjeu est de sauver le caractère bilingue de l’Université : si l’érosion des effectifs d’étudiants germanophones se poursuivait, il deviendrait difficile de maintenir le bilinguisme, atout incontesté et constitutif de l’établissement.
Paradoxe suprême, pour sauver ce caractère bilingue, il faudrait renoncer à prononcer ce mot ! Un professeur et un doyen de Faculté ont récemment préconisé que l’on parle plutôt d’Université « germanophone et francophone » et que l’on rassure les jeunes d’Outre-Sarine en leur promettant des études à Fribourg garanties 0% français… On ne s’est pas encombré de ce genre de préoccupations pour imposer, depuis des décennies, certains cours en allemand aux étudiants francophones.
Côté corps professoral, la tendance est exactement inversée : depuis quelques années, la proportion de germanophones – et en particulier d’Allemands – y augmente sensiblement, et le phénomène est encore plus net dans les instances dirigeantes de l’Université. Sur cinq membres du Rectorat, on compte 3 Allemands, un Luxembourgeois et une Suissesse romande. Sur cinq doyens, 3 sont allemands, un alémanique et un romand.
A notre demande, La Liberté a accepté d’entendre le point de vue de la CRPF sur cette situation. Le Professeur Gilbert Casasus et moi-même avons rencontré une journaliste qui a certes reproduit nos propos, mais, disons, avec parcimonie…
Afin de mieux connaître la situation linguistique de notre Université, le Comité a reçu successivement deux Professeurs ordinaires. Ils lui ont apporté des éclairages nuancés, mais fort intéressants. Ils ont notamment confirmé que les différences de cursus académique entre l’Allemagne et la France favorisait clairement l’engagement d’Allemands en Suisse. Ils ont aussi relevé la place croissante de l’anglais dans les programmes de cours. Le français n’a donc pas qu’un concurrent local à « gérer »…
La CRPF va compléter ce dossier avant de solliciter, probablement, une rencontre avec la Rectrice de l’Université ou/et avec la Conseillère d’Etat Directrice de la formation, Sylvie Bonvin-Sansonnens
– Enseignement des langues par immersion:
L’enseignement de la deuxième langue officielle par immersion, vous le savez, a été introduit dans la loi scolaire en 2020. A notre sens, cela n’est pas conforme à la Constitution. Aujourd’hui, cependant, nous en sommes réduits à veiller à ce que cette pratique cause le moins de dommage possible.
Notre Comité a rencontré, en octobre dernier, deux des responsables du projet « Enseignement des langues par immersion » auprès de la DFAC, Evelyne Brülhart et Jean-Paul Simonet. Ils nous ont largement renseignés sur les modalités d’enseignement par immersion – qui peut être imposé aux élèves jusqu’à 20% du programme, et qui, au-delà, doit obtenir l’accord de la Commune et des parents – et sur le projet pilote de classes enfantines bilingues en cours à l’école de la Vignettaz à Fribourg.
Nous avons pu constater que la mise en œuvre de ce projet dépend beaucoup des enseignants et de leur bon vouloir, et qu’il se développe de manière très inégale à travers le canton. Nous avons aussi appris que tout est mis en œuvre pour ne pas léser les enfants concernés, notamment en « relativisant » au besoin l’immersion en revenant à des ressources de la langue maternelle. Quant aux deux classes bilingues de la Vignettaz, elles répondaient à l’évidence à une demande, puisqu’il y a eu trop d’élèves inscrits et qu’il a fallu procéder à un tirage au sort.
Le Comité de la CRPF suivra avec attention les évaluations de ces projets.
Enfin, l’avant-projet de loi sur les langues élaboré par la Direction des institutions, de l’agriculture et des forêts (DIAF) fait actuellement l’objet d’une consultation interne. Selon le chef de projet Christophe Maillard, la procédure de consultation externe devrait être lancée avant la fin de l’année. Nous sommes impatients de connaître le contenu de ce projet auquel nous avons essayé de contribuer autant que possible. La consultation nous permettra de le faire de manière officielle.
En conclusion, je tiens à remercier vivement mes collègues du Comité et notre Secrétaire pour leur engagement, leur fidélité à nos idéaux et leur aide précieuse, nourrie par une expérience et des compétences hors du commun.
Fribourg, le 27 août 2024 Antoine Geinoz